La réflexion sur les matières de fait et sur les procédures de preuve utilisées pour la connaissance des événements contingents est généralement liée à l’émergence de la culture empiriste, en particulier anglaise. Ce lien ne fait aucun doute mais sur le Continent aussi la question de l’importance de l’étude des faits et des modalités de leur vérification fit l’objet d’une longue réflexion, notamment en France où elle se développa comme conséquence de la révision de la méthode et de l’encyclopédie de Descartes, dont la Logique ou l’Art de penser (1662) d’Arnauld et Nicole marqua le début. L’auteur de ce travail s’est occupé longuement de ce thème, surtout en rapport avec la discussion sur la certitude de l’histoire et sur le pyrrhonisme historique à l’époque cartésienne. Ici, il se propose de documenter la longue durée de l’héritage de l’Art de penser jusqu’au seuil du XIXe siècle. Dans des domaines aussi distants les uns des autres que l’histoire sacrée et profane, la philosophie naturelle, les relations de voyages, s’affirme un discours sur la recherche et sur la preuve des faits, ainsi que sur le degré de certitude ou de probabilité pouvant être atteint, qui renvoie constamment aux canons méthodologiques fixés par Arnauld et Nicole, dont Locke aussi fut influencé. Des auteurs comme Calmet, Houtteville, Griffet, Bouguer, Carrard, Marmontel, Condorcet, Degérando en sont des exemples. La célébration de la force des preuves de fait est récurrente dans les écrits d’exégèse scripturale et d’apologétique religieuse, dans les œuvres d’historiens anciens et modernes, dans les recueils d’observations naturalistes, dans les traités de physique, dans les recherches ethnographiques et engendre partout une discussion épistémologique sur des problèmes théoriques communs. L’étude des textes met en relief les difficultés rencontrées par l’apologétique ‘historique’ dans l’émancipation de la philosophie, les relations souvent occultées entre les faits ‘nus’ et la trame des récits dans lesquels les historiens, ou les naturalistes, choisissent de les insérer, les conséquences de la méthode comparative pour l’image de la science. Les procédures de preuve des faits exaltent le rôle de l’historien qui devient un modèle dont s’inspirent aussi les chercheurs de la nature lorsqu’ils doivent justifier et communiquer les résultats de leur travail. C’est ainsi que se modifie la relation entre érudition et philosophie, entre critique historique et enquête naturelle. Cette réflexion remet en cause les liens et les hiérarchies traditionnels entre les savoirs et favorise une nouvelle réflexion sur l’encyclopédie des sciences.

Matières de fait. Procedure de preuve et systèmes du savoir aux XVIIe et XVIIIe siècles / Borghero, Carlo. - STAMPA. - XXXIV(2013), pp. 55-89.

Matières de fait. Procedure de preuve et systèmes du savoir aux XVIIe et XVIIIe siècles

BORGHERO, Carlo
2013

Abstract

La réflexion sur les matières de fait et sur les procédures de preuve utilisées pour la connaissance des événements contingents est généralement liée à l’émergence de la culture empiriste, en particulier anglaise. Ce lien ne fait aucun doute mais sur le Continent aussi la question de l’importance de l’étude des faits et des modalités de leur vérification fit l’objet d’une longue réflexion, notamment en France où elle se développa comme conséquence de la révision de la méthode et de l’encyclopédie de Descartes, dont la Logique ou l’Art de penser (1662) d’Arnauld et Nicole marqua le début. L’auteur de ce travail s’est occupé longuement de ce thème, surtout en rapport avec la discussion sur la certitude de l’histoire et sur le pyrrhonisme historique à l’époque cartésienne. Ici, il se propose de documenter la longue durée de l’héritage de l’Art de penser jusqu’au seuil du XIXe siècle. Dans des domaines aussi distants les uns des autres que l’histoire sacrée et profane, la philosophie naturelle, les relations de voyages, s’affirme un discours sur la recherche et sur la preuve des faits, ainsi que sur le degré de certitude ou de probabilité pouvant être atteint, qui renvoie constamment aux canons méthodologiques fixés par Arnauld et Nicole, dont Locke aussi fut influencé. Des auteurs comme Calmet, Houtteville, Griffet, Bouguer, Carrard, Marmontel, Condorcet, Degérando en sont des exemples. La célébration de la force des preuves de fait est récurrente dans les écrits d’exégèse scripturale et d’apologétique religieuse, dans les œuvres d’historiens anciens et modernes, dans les recueils d’observations naturalistes, dans les traités de physique, dans les recherches ethnographiques et engendre partout une discussion épistémologique sur des problèmes théoriques communs. L’étude des textes met en relief les difficultés rencontrées par l’apologétique ‘historique’ dans l’émancipation de la philosophie, les relations souvent occultées entre les faits ‘nus’ et la trame des récits dans lesquels les historiens, ou les naturalistes, choisissent de les insérer, les conséquences de la méthode comparative pour l’image de la science. Les procédures de preuve des faits exaltent le rôle de l’historien qui devient un modèle dont s’inspirent aussi les chercheurs de la nature lorsqu’ils doivent justifier et communiquer les résultats de leur travail. C’est ainsi que se modifie la relation entre érudition et philosophie, entre critique historique et enquête naturelle. Cette réflexion remet en cause les liens et les hiérarchies traditionnels entre les savoirs et favorise une nouvelle réflexion sur l’encyclopédie des sciences.
2013
Bulletin annuel
Materie di fatto Conoscenza storica Filosofia naturale Etnografia
02 Pubblicazione su volume::02a Capitolo o Articolo
Matières de fait. Procedure de preuve et systèmes du savoir aux XVIIe et XVIIIe siècles / Borghero, Carlo. - STAMPA. - XXXIV(2013), pp. 55-89.
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