Marginalité, violence et désir: réfraction du corps et de la sexualité dans le théâtre de Giovanni Testori et Bernard-Marie Koltès

L'objectif de cet exposé est de proposer une réflexion comparée sur les différentes façons d'explorer le genre et la sexualité dans l'œuvre de Giovanni Testori et de Bernard-Marie Koltès, deux auteurs qui partagent d'emblée une intense éducation catholique et une profonde remise en question des costumes bourgeoises, ainsi que sur les enjeux qui sont mis en cause avec un théâtre fondé sur la violence des émotions. Pour faire cela, il faudra premièrement aborder la question des divergences qui opposent les personnages féminins et masculins dans le corpus des deux auteurs, pour se concentrer ensuite sur les situations dramatiques où sont mis en scène des évènements archétypaux qui hantent l'imaginaire polymorphe des deux dramaturges, dans lequel de nombreuses couches de mythologèmes se déposent. En effet, le recours au mythe, classique ou biblique, pour exprimer les obsessions de la sexualité ne s'aplatit jamais en banalisation ou parodie dans les deux auteurs: on verra comment dans les réécritures transfigurées de Testori, principalement dans la "Trilogia degli Scarozzanti", un discours sur la sexualité est exaspéré sans cesse entre le questionnement sur le mystère de la naissance et l'élan de se réunifier avec le ventre maternel. Par conséquent, une importance remarquable sera donnée à l'exploration des scènes liminaires de «premières fois» où l'expérience corporelle permet de concevoir l'écriture littéraire de Koltès comme un théâtre « de la virginité perdue » (Scarpa2014), une démarche qui - s'inscrivant sous la paternité rimbaldienne - aspire à appréhender tout ce qui représente l'extrême altérité par rapport à la culture occidentale cartésienne, c'est-à-dire le corps de l'Autre et sa Différence, et à s'interroger sur la quête infinie et viscérale du désir.